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Appel à communications : colloque international “Guerres et profits (fin XVIIIe s. – XXe s.)”

DATES

Date de retour des propositions de communications : 15 avril 2019
Date du colloque : 28-29 novembre 2019

LIEU

Paris

COMITÉ D’ORGANISATION

Clotilde Druelle-Korn, Université de Limoges, CRIHAM EA 4270
Jean-Luc Mastin, Université Paris 8, IDHES UMR 8533 CNRS
Béatrice Touchelay, Université Lille Nord de France, IRHIS UMR 8529 CNRS
Philippe Verheyde, Université Paris 8, IDHES UMR 8533 CNRS

CONTACT

Jean-Luc Mastin : mastinjeanluc@yahoo.fr
Philippe Verheyde : phil.verheyde@orange.fr

ARGUMENTAIRE

La fin du centenaire de la Grande Guerre est l’occasion de revenir sur une question qui n’a été qu’effleurée au cours des manifestations scientifiques françaises qui ont porté sur la mobilisation de l’économie[1] : celle des profits réalisés par les entreprises et les entrepreneurs en temps de guerre, et plus largement celle des rapports entre guerres et profits. Nous souhaitons prolonger l’analyse comparative et transdisciplinaire sur la longue durée abordée au cours de la 4e journée d’études organisées par l’IDHE – Paris 8 en 2008 sur la « mesure et (la) démesure du profit » (XVIIe – XXe s.)[2], et de la 16e édition des Journées d’Histoire de la comptabilité et du management (2011) sur les « perceptions, représentations et mesures du profit[3] », dans une perspective économique et sociale ne se réduisant pas à l’approche politique, culturelle et morale liée à la dénonciation de « l’argent immoral » des « profiteurs de guerre[4] ».

Guerres et profits, le temps long

Avec la conscription – adoptée selon des chronologies différentes selon les pays – la guerre, cessant d’être une affaire de professionnels ou de mercenaires, devient un moment critique de (re)mise en question du profit, de sa légitimité et de sa mesure. Dans l’introduction de sa thèse sur Le problème du profit (1926) publiée au lendemain de la Grande Guerre, François Perroux, qui souligne au passage que « la théorie du profit est le nœud de la question sociale », signale « l’existence d’un malaise antérieur à la guerre, mais très accusé depuis, et résultant d’un doute sur la légitimité de ce bénéfice industriel, commercial ou spéculatif[5] ».

Et de fait, au cours du premier conflit mondial, les pays belligérants comme les pays neutres mettent en place un impôt extraordinaire sur les « profits excessifs » réalisés par l’industrie et le commerce pendant la guerre : Royaume-Uni (excess profits duty, 1915) et pays du Commonwealth (Canada, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud), Allemagne (juin 1916), France (« contribution extraordinaire sur les bénéfices supplémentaires et exceptionnels de guerre », CEBG, loi du 1er juillet 1916), États-Unis (munition manufacturers tax, sept 1916, puis excess profits tax, mars 1917), Autriche-Hongrie (1916), Italie ; Suisse (1917), Espagne, Norvège, Danemark. Cet élément central de la fiscalité de guerre[6] répond à des impératifs financier (c’est un complément nécessaire aux emprunts intérieurs et extérieurs et aux avances des banques centrales pour financer les dépenses de guerre), moral (l’enrichissement des uns est intolérable quand les autres paient « l’impôt du sang[7] »), national (c’est un devoir patriotique de sacrifier une partie de ses bénéfices comme de verser son or[8]) et social (l’accroissement des inégalités sociales, favorisé par les pénuries et l’inflation, renforce les tensions sociales accrues par l’intensification du travail industriel). Cette taxation ne vise pas à faire la guerre au profit : en système capitaliste libéral, en l’absence de réquisition générale ou de nationalisation, on ne peut supprimer cette motivation essentielle de l’entrepreneur. Elle consiste à prélever une part plus ou moins importante des bénéfices qui excèdent un montant « normal » défini soit comme la moyenne arithmétique des années d’avant-guerre, soit comme un taux standard (taux moyen général en temps de paix) de rendement des capitaux. Le soupçon de la démesure fait donc sortir le profit de la sphère privée.

La Grande Guerre est de ce point de vue un moment fondateur qui a éclipsé le précédent de l’excess profit tax de 1863 adopté par l’État de Géorgie durant la guerre de Sécession. Elle accélère un processus général de modernisation des fiscalités (principe déclaratif, progressivité) entamé avant 1914[9], qui menace l’appropriation du profit : si les impôts sur les bénéfices de guerre sont conçus comme « extraordinaires » c’est-à-dire limités à la période de guerre, l’impôt progressif sur le revenu (adopté en France juillet 1914, appliqué à partir de 1916 et réformé en juillet 1917) et l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (juillet 1917) sont en revanche destinés être pérennes[10]. Ils s’accompagnent de la mise en place d’une nouvelle administration fiscale de mieux en mieux formée et outillée, aux méthodes jugées inquisitoriales par les gros contribuables.

Avec le réarmement (après 1934) la taxation des « profits excessifs » est partout remise en vigueur, puis élargie et renforcée en 1939. Mais en France, à la Libération, elle fait place à la confiscation des « profits illicites » (ordonnances du 18 octobre 1944 et du 6 janvier 1945). C’est une des formes de l’épuration économique – contrairement à la Belgique où prévaut le traitement judiciaire de la collaboration, comme au lendemain de l’occupation de 1914-1918[11]. Sont considérés comme « illicites » les profits issus de la collaboration avec l’ennemi, que ce soit sous la contrainte ou volontairement, et des opérations contrevenant à la réglementation en vigueur sur les prix et le ravitaillement (marché noir, spéculation, change…). La très forte demande de justice sociale, la violence des dénonciations des fortunes scandaleuses édifiées sous l’occupation, conduisent l’État à « délaisser la mesure pour ne s’intéresser qu’à l’origine du profit », quelle que soit l’intention de son auteur – celle-ci constitue un facteur aggravant, qui lui vaut de subir en outre une amende pouvant atteindre le triple des profits confisqués[12]. Cette définition du profit illégitime ou immoral semble constituer une exception historique. La taxation des profits excessifs est remise en vigueur durant la Guerre froide (France 1951, États-Unis durant la Guerre de Corée).

Au XIXe siècle les soupçons des contemporains à l’égard des profits réalisés par des négociants, banquiers et financiers à l’occasion de marchés de fournitures militaires ou du financement de guerres, sont déjà importants. En France, l’enrichissement rapide et ostentatoire de Gabriel Julien Ouvrard (1770-1846), munitionnaire général de l’armée et de la marine françaises et de la marine espagnole sous le Directoire, est intolérable pour le Premier Consul, qui fait arrêter en 1800 et nomme une commission d’enquête qui le condamne à verser 14 MF au Trésor : « En période de révolution, personne ne doit posséder plus de trois millions, et c’est encore trop[13]. » Ce qui ne l’empêche pas, deux ans plus tard, d’avoir recours à ses services… avant de le faire à nouveau arrêter en 1809. Sous la Restauration, l’État ne parvient pas davantage à encadrer les profits des marchés de fournitures militaires. Un siècle plus tard, la Grande Guerre et la loi du 1er juillet 1916 donnent une résonnance particulière à l’histoire d’Ouvrard, alors rangé parmi les « grands profiteurs de guerre[14] ». On connaît aussi les « larges bénéfices que notre infortune publique [a permis] de réaliser », selon l’expression du ministre Jules Favre, au lendemain de la guerre de 1870-1871, lors de l’émission des deux emprunts de libération (1871 et 1872) finançant l’indemnité de 5 milliards de francs-or que l’Allemagne a imposée à la France vaincue : « opérations gigantesques » sans véritable risque de perte dans lesquelles la maison Rothschild, en position dominante dans les syndicats bancaires et forte de quelques appuis politiques, se taille la part du lion[15]. On notera que des deux côtés du Rhin, entre 1870 et 1872, les mêmes maisons (Rothschild, Bleichröder) ont tiré profit du financement des États ennemis. La guerre est (déjà) une très bonne affaire pour les multinationales. Pendant la guerre de 1870, les fabricants d’armes américains exportent (carabines Remington) et investissent (mitrailleuses Hotchkiss) en France. Et les capitaux n’ont pas de patrie : au XIXe comme au XXe siècle, les marchands de canons refusent, comme Krupp livrant l’ennemi autrichien en 1866, de choisir « entre l’amour de la patrie et [leur] honneur de commerçant[16] ».

Les profits à l’épreuve de la guerre : définitions, justifications, acteurs

Dépassant l’analyse ancienne de Richard Lewinsohn (1935), qui a certes le mérite de distinguer les formes successives des Profits de guerre à travers les siècles (après le déclin de l’enrichissement des chefs de guerre depuis la fin du XVIIIe siècle, il évoque « les financiers » puis « les fabricants d’armes », « les fournisseurs de guerre » et « les spéculateurs »), on interrogera les relations entre guerres et profits. La guerre est à la fois une opportunité de réaliser des profits extra-ordinaires et un moment dramatique de remise en question du profit qui interroge davantage qu’en temps de paix l’articulation des intérêts particuliers et du bien commun. Encore faut-il préciser ce qu’on entend par « profits ». Il est à l’évidence impossible de les réduire aux bénéfices des firmes, nets ou bruts, déclarés ou recalculés par l’historien d’après les comptabilités ou les sources fiscales : il faut tenir compte de toute augmentation d’actifs quels que soient ses modes de financement (augmentation des fonds propres, endettement, subventions et prêts publics) et ses formes (y compris les gains immatériels : parts de marché, innovations, réputation, crédit). On tentera non seulement de les mesurer, mais aussi d’examiner les conditions économiques (pouvoir de marché), monétaires (inflation) et politiques (rapport à la puissance publique) de leur réalisation, en faisant la part des stratégies individuelles et des actions collectives (organisations patronales, ententes), en articulant le plus possible les niveaux micro- (firmes) et macro-économique (branches, secteurs). Ainsi les profits de la chimie française en 1914-1918 ne se limitent pas aux bénéfices des firmes ou des groupes (Saint-Gobain, Kuhlmann, Gillet…), d’ailleurs consolidés par les ententes de 1918, ni à la croissance très rapide de leurs actifs, ou à leurs augmentations successives de capital : le rapide développement des capacités productives (notamment par créations d’usines et de firmes) et le séquestre des actifs allemands en France, usines et brevets, permettent de réduire la dépendance française à l’égard de la chimie allemande. Ces profits résultent de l’articulation des stratégies publiques et privées[17].

Il faut se garer de la définition des « profits de guerre » implicitement contenue par les systèmes de taxation des profits excessifs. La cible d’une excess profit tax est certes plus large que celle d’une war profit tax, qui ne vise que le secteur de l’armement (business of war), mais son application est souvent circonscrite aux firmes ayant contracté des marchés de guerre. Or, au-delà de celles qui profitent de la guerre, il y a celles qui profitent pendant la guerre : soit qu’elles profitent indirectement du surcroît d’activité des premières (banques, transport, assurances) soit qu’elles exploitent les déséquilibres du marché induits par la guerre (industries et commerces travaillant pour les marchés civils, propriétaires de biens immobiliers, spéculateurs divers et variés). Les différentes sources de profits de guerre conduisent ainsi à faire la distinction entre profits directs et profits indirects, et à être sensible aux effets cumulatifs. Le phénomène de dépréciation monétaire liée à l’inflation du temps de guerre offre ainsi des « profits d’inflation[18] » aux entreprises qui doivent rembourser des crédits et/ou payer des impôts sur leurs bénéfices de guerre. En outre, les « profits de guerre » ne se limitent pas aux espaces en guerre : la situation privilégiée des multinationales et des neutres leur permet d’exploiter les opportunités de la guerre au loin.

Ils interrogent aussi le temps de la guerre. Au-delà de la durée légale des hostilités, qui a des implications juridiques considérables sur la vie économique (dans l’application des contrats et des règlements[19]) et de la définition fiscale du temps de guerre[20], il y a les temps élastiques de l’entrée en guerre et de la sortie de guerre. La menace de guerre elle-même est l’occasion de profits spéculatifs et la préparation à la guerre celle de profits industriels et commerciaux : la paix menace alors les profits. De même, la fin de la guerre amène la reconversion économique, et avec elle la dépression, cependant que se prolongent les déséquilibres favorables aux profits (pénuries, hausse de prix…). L’entre-deux-guerres est ainsi une période ambivalente, où la guerre (passée et future) est dans la paix : en France, aux États-Unis, en Angleterre, des commissions parlementaires ou judiciaires reviennent sur les profits réalisés durant la Grande Guerre, et une fois le rêve international du désarmement évanoui, les États légifèrent pour les limiter dans la perspective de la guerre à venir. Le mot d’ordre de Roosevelt est alors : take the profit out of war !

C’est que le temps de la guerre fait douter de la légitimité du profit. Les justifications libérales classiques du profit comme juste rémunération du capital et du travail de l’entrepreneur et des risques du capitaliste (et les risques matériels, sociaux et politiques sont accrus en temps de guerre), comme source de l’épargne donc de l’investissement, comme résultat du jeu naturel de l’offre et de la demande, résistent mal à la dénonciation de l’abus, de l’excessif, de l’immoral, à l’opposition profit / patriotisme (cf. les expressions « profiteurs de guerre » en France ou warhogs aux États-Unis pendant la Grande Guerre) – et aux menaces de socialisation du profit (réquisitions, nationalisation) et d’intervention accrue de l’État. Il est intéressant de voir dans quelle mesure les guerres renouvellent non seulement les analyses critiques du profit, mais aussi les discours visant à le légitimer. Les penseurs libéraux ne conçoivent-ils la guerre que comme un accident qui perturbe momentanément l’ordre naturel du marché autorégulateur ? Comment les « profiteurs » défendent-ils leurs profits ? La traditionnelle condamnation de la spéculation, reprise à leur compte par les industriels et les négociants installés avant la guerre de 1914 contre les « champignons de guerre », vaut à la fois légitimation de leurs propres profits, et défense de l’ordre corporatif d’avant-guerre. Certains se réclament du patriotisme (en tant qu’ils contribuent à la défense nationale) et de leur contribution au maintien de l’ordre social. D’autres invoquent leur statut de sinistrés[21]. Entre discours de dénonciation et discours de légitimation, comment le débat public, le discours politique et le droit construisent-ils un profit « normal », moralement et socialement acceptable ? En somme, il est intéressant de voir quelles valeurs, quelles catégories, quelles représentations et quels outils de mesure sont mobilisés par les différents protagonistes : acteurs privés, individuels (entrepreneurs, experts comptables, juristes, politiques, économistes) et collectifs (organisations patronales) ; acteurs publics (État, administration) ; opinions publiques et media.

 

 

[1] « Guerres mondiales et bassins industriels en territoire occupé (1900-1950) », Maubeuge, 20-21 novembre 2014 ;  « Les banques françaises dans la Grande Guerre », IGPDE, Bercy, 20 janvier 2015 ; « Une fiscalité de guerre ? Contraintes, innovations, résistances », Bercy, 11-12 février 2016 ;  « Les fronts intérieurs européens : l’arrière en guerre (1914-1920), ITEM EA 3002, Université de Pau, 19-20 novembre 2015 ; « L’industrie française dans la Grande Guerre », IGPDE, Bercy, 15-16 novembre 2016.

[2] 4e journée d’étude (31 octobre 2008) du programme « Mesure et démesure du profit : comptes, contrôles, légitimité (XVIIe – XXe siècles) », IDHE UMR 8533 – Université Paris 8.

[3] 16e Journées d’histoire de la comptabilité et du management, Nantes, 23-25 mars 2011, organisées par le Laboratoire d’économie et de management de Nantes (LEMNA – EA 4272) http://www.msh.univ-nantes.fr/54940537/0/fiche___pagelibre/&RH=1159881553579. Voir la contribution de Béatrice Touchelay et Philippe Verheyde, « Mesure et démesure des profits de guerre dans le premier XXe siècle ».

[4] « L’argent immoral et les profiteurs de la guerre (1870-1945) », colloque international organisé par Olivier Dard (SIRICE UMR 8138, Université Paris-Sorbonne) et Frédéric Monier (Centre Norbert Elias UMR 8562, Université d’Avignon) dans le cadre du programme de recherche « Politique et corruption, argent immoral et influence politique en Allemagne et en France aux XIXe s et XXe siècles », Paris, 28-30 mai 2018.

[5] François Perroux, Le problème du profit, Paris, Marcel Giard éditeur, 1926, rééd. Presses universitaires de Grenoble, 1996.

[6] Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Core, Une fiscalité de guerre ? Contraintes, innovations, résistances, Paris, CHEFF, 2018, 360 p (actes des journées d’étude des 11 et 12 février 2016 à Bercy)

[7] François Bouloc, Les profiteurs de guerre, Paris, Complexe, 2008, 385 p.

[8] Aux États-Unis, pour le president Wilson, “No true patriot will permit himself to grow rich by the shedding of soldiers’ blood. He will give as freely and with as unstinting self-sacrifice as they. When they are giving their lives will he not give at least his money?” (“Patriotism and Profits: President Wilson’s Message to Business”, Independent, 21 juillet 1917, cité par Stuart D. Brandes, Warhogs. A history of War Profits in America, University Press of Kentucky, 1997, p. 9.

[9] Nicolas Delalande, Alexis Spire, Histoire sociale de l’impôt, Paris, La Découverte, 2010, p. 33-55.

[10] Béatrice Touchelay, L’État et l’entreprise. Une histoire de la normalisation comptable et fiscale à la française, Rennes, PU de Rennes, 2011, p. 35-64. – Frédéric Tristram, « La Première Guerre mondiale et la rénovation du système fiscal français », in Florence Descamps et Laure Quennouëlle-Core, Une fiscalité de guerre ? Contraintes, innovations, résistances, Paris, CHEFF, 2018.

[11] Marc Bergère (dir.), L’épuration économique en France à la Libération, Rennes, PUR, 2008, 343 p. – En particulier : Dirk Luyten, « L’épuration économique en Belgique », p.203-213 ; Béatrice Touchelay, « D’une sortie de guerre à l’autre : de la contribution sur les bénéfices de guerre (1916) à la confiscation des profits illicites (1944-1945) : l’État a-t-il appris à compter ? », p. 33-50.

[12] Philippe Verheyde, « Guerres et profits en longue durée, une approche politique et morale de l’économie », in Marc Bergère (dir.), L’épuration économique en France, op.cit., p. 19-31 ; idem, « Les profits de guerre : l’argent impur », in Alya Aglan, Olivier Feiertag, Yannick Marec (dir.), Les Français et l’argent. Entre fantasmes et réalités, Rennes, PUR, 2011, p. 319-333.

[13] Cité par Richard Lewinsohn, Les profits de guerre à travers les siècles, Paris, Payot, 1935, p. 287.

[14] Arthur Lévy, Un grand profiteur de guerre sous la Révolution, l’Empire et la Restauration : G-J. Ouvrard, Paris, Calman Lévy, 1929.

[15] Jean Bouvier, Les Rothschild, Paris, éditions Complexe, 1992, p. 209-221.

[16] Cité par Richard Lewinsohn, op. cit., p. 121.

[17] Erik Langlinay, « L’industrie chimique française en guerre (1914-1918) : de la dépendance étrangère à la construction d’une filière nationale », Entreprises et histoire, 2016, n°85, pages 54-89.

[18] Richard Lewinsohn, op. cit. p. 160.

[19] Ainsi, la loi du 23 octobre 1919 « relative à la date de la cessation des hostilités » fixe celle-ci à la date de sa promulgation, soir le 28 octobre 1919. Dans un but de simplification, elle rejette la distinction entre « l’état de guerre », « le temps de guerre », « la durée de la guerre », « la durée des hostilités », « la durée de la campagne ».

[20] En France, la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre porte sur les bénéfices réalisés entre le 1er août 1914 et le 30 juin 1920. La définition du temps de guerre dépasse donc de huit mois la durée légale des hostilités.

[21] Jean-Luc Mastin, Victimes et profiteurs de guerre ? Les patrons du Nord, 1914-1923, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître en 2019.

PROGRAMME ET PROPOSITIONS DE COMMUNICATION

Ces deux journées visent à tester l’ampleur, la richesse et la portée des questionnements soulevés par la question « guerres et profits » en longue durée, d’amorcer un réseau de chercheurs sur ce sujet et de construire ensuite éventuellement une équipe autour d’un programme structuré.

Les propositions de communication pourront porter sur un espace européen ou extra-européen. Elles pourront concerner (la liste n’est pas limitative) : la guerre d’indépendance américaine, les guerres de la période révolutionnaire, du Consulat et de l’Empire, la guerre de Sécession, la guerre de 1870-1871, la guerre russo-japonaise, les deux guerres mondiales, les conflits de la guerre froide, les guerres coloniales et de décolonisation.

Dans une perspective transdisciplinaire, les propositions mobilisant les concepts et les méthodes de l’histoire, des sciences de la gestion, de la science politique, du droit et de l’économie sont bienvenues.

La première partie du colloque sera davantage méthodologique, dans l’esprit des travaux de Jean Bouvier, François Furet et Marcel Gillet[22], et centrée sur la critique des sources qui permettent d’appréhender la mesure du profit et de confronter ses représentations comptables, fiscales, juridiques, politiques, morales : comptabilités et autres archives d’entreprises, archives d’organisations patronales, sources fiscales, marchés de guerres, correspondances privées, ego documents, archives ministérielles et parlementaires, textes juridiques…

Elle vise quatre objectifs. Il s’agit d’abord d’aborder de façon critique les représentations du profit en temps de guerre : quelles catégories, quels concepts, quelles valeurs, les différents acteurs mobilisent-ils pour définir et pour mesurer le profit ? Dans la longue durée, comment la guerre modifie-t-elle éventuellement ces représentations ? Quelques études de cas permettraient de préciser les tensions entre l’administration fiscale et les entreprises suscitées par le calcul des bénéfices de guerre.

Il s’agit aussi de s’intéresser à la construction d’un « profit normal », sur le temps court de la guerre et sur la longue durée séculaire, d’analyser le rôle respectif des juristes, des comptables et experts-comptables, des politiques, des économistes, des organisations patronales dans sa définition. Et de préciser les résistances qu’elle suscite. On sera attentif aux fraudes, on pourra réfléchir à la construction d’une typologie des stratégies des contribuables pour échapper à la prétendue voracité de l’État et à l’« inquisition fiscale ». On aimerait aussi voir dans quelle mesure ces résistances influencent la norme et les autorités de contrôle.

On veut aussi mettre en relation les profits et les conditions de leur réalisation, en articulant stratégies privées (individuelles et collectives) et stratégies publiques, pouvoir de marché et pouvoir politique, et en particulier contrats de marchés de guerre et bénéfices de guerre.

Les limites des sources ne doivent pas faire renoncer à la pesée quantitative. Peut-on et comment quantifier les profits aux niveaux micro- et macro-économiques, aux échelles locale, régionale, nationale ? Quels outils et quels ratios adopter pour mesurer l’écart entre les profits de paix et les profits de guerre, et faire des comparaisons entre firmes, entre secteurs, entre régions ? Enfin, on pourra éventuellement aborder les conséquences des profits de guerre sur l’évolution des firmes[23], des secteurs et des territoires ou des places financières dans la longue durée.

Une fois posés les fondements méthodologiques de notre étude, la deuxième partie du colloque sera consacrée à des études de cas, à toutes échelles et à tous niveaux d’analyse.

Les langues de travail seront le français et l’anglais.

Les propositions de communication (2000 mots maximum), accompagnées d’un court CV, sont à envoyer pour le 15 avril 2019 au plus tard à :
mastinjeanluc@yahoo.fr
phil.verheyde@orange.fr

 

 

[22] Jean Bouvier, François Furet, Marcel Gillet, Le mouvement du profit en France au XIXe siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1965, 465 p.

[23] Par exemple, Jean-Claude Daumas, L’amour du drap. Blin & Blin (1827-1975). Histoire d’une entreprise lainière familiale, Presses universitaires franc-comtoises, 1999, montre comment les marchés de guerre ont sauvé une entreprise textile menacée par un endettement considérable.

 

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L’appel à communications “Guerres et profits” (en français et en anglais, pdf) .

 

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