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Appel à communications – journée “Surveiller les populations colonisées en métropole”

Dans le prolongement des dialogues noués entre archivistes et historien.nes autour de la notion d’« archives coloniales » lors de la double journée d’étude tenue aux Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence) les 27 et 28 juin 2019 [1] , le GROC organise, le 28 mai 2020, une journée de « chantier » consacrée aux archives de la surveillance des populations colonisées en métropole.

DATES

Date de la journée : jeudi 28 mai 2020
Date limite de retour des propositions de communications : 15 mars 2020

LIEU

Archives Nationales, Site de Pierrefitte-sur-Seine
59 rue Guynemer
93380 Pierrefitte-sur-Seine
Métro : L13 Saint-Denis Université
Comment venir ?

ORGANISATION

Élise Abassade | IDHE.S, Université Paris 8 – LAH, La Manouba, Tunis
Quentin Gasteuil | ISP, ENS Paris-Saclay – Centre d’histoire du XIXe siècle, Sorbonne Université
Martino Sacchi | ESNA, MA Paris Nanterre
Margo Stemmelin | IDHE.S, Paris 8

ARGUMENTAIRE

Police, ordre et surveillance dans une métropole impériale

L’histoire de la colonisation connaît, depuis maintenant plusieurs années, un renouvellement scientifique conséquent [2]. Sources, terrains et problématiques ont été élargi-e-s, permettant entre autres d’investir à nouveaux frais la notion de situation coloniale chère à Georges Balandier [3]. À cette fin, les perspectives d’histoire sociale ont été particulièrement sollicitées. Si les recherches récentes ont privilégié le terrain colonial, l’angle métropolitain connait lui aussi, à la suite d’une tendance perceptible outre-manche, un retour en grâce, enrichi notamment des apports d’autres champs d’étude [4]. L’histoire des polices, en outre, se déploie depuis les années 1990 dans le sens d’une analyse de la fabrique des institutions, des modes de gouvernance qu’elles produisent et des pratiques policières [5]. Le croisement entre cette historiographie et celle du fait impérial a pris pour

cadre non seulement le terrain colonial [6], mais également l’espace métropolitain [7], et le second empire colonial français comme les périodes qui lui sont antérieures [8]. Face à la très importante masse de documents produite par les institutions chargées de la surveillance des colonisé-e-s en métropole, de nouvelles pistes restent à investir.

Pour cette journée, nous considérerons cette documentation dans sa dimension matérielle autant que comme support d’une manière de rendre compte du réel – qui, parfois spécifiquement politique et sociale, genrée, raciale, résulte souvent de l’articulation entre ces aspects [9]. Dans le cas présent, il s’agira d’envisager l’archive comme point de départ pour appréhender la surveillance des ressortissant-e-s de l’empire présent-e-s en métropole, en la considérant non pas uniquement comme une trace, mais également comme un instrument véritable du contrôle. Ainsi, cette journée invite notamment à travailler les processus de production au travers desquels se modèlent et évoluent les catégories socio-administratives qui façonnent les secteurs de populations à surveiller.

 

Axes d’étude

Les intervenant-e-s seront invité-e-s à proposer des réflexions sur le rapport entre archives de surveillance et populations colonisées à partir des deux axes suivants qui, loin d’être exclusifs, peuvent être envisagés conjointement :

La production documentaire suscitée par la surveillance des populations colonisées en métropole. Il conviendra d’interroger la forme de la surveillance exercée et les archives au sein desquelles il est possible de la saisir. Quelles sont les spécificités des documents de surveillance des colonisé-e-s produits en métropole ? Que disent les procédés de production documentaire de l’instance qui en est à l’origine ? Ces archives témoignent-elles d’une dimension impériale des missions policières en métropole, voire de la fabrique d’une institution policière impériale ? Ces interrogations invitent à travailler la constitution, la matérialité, la circulation, la diffusion ou au contraire la restriction des archives de surveillance consacrées aux colonisé-e-s, dans une perspective synchronique et diachronique.

– Le contenu textuel de la production documentaire issue de la surveillance. La sémantique et les faits de langage employés par ceux qui surveillent sont au coeur de ce deuxième axe. Que dit-on des colonisé-e-s surveillé-e-s ? Comment le dit-on ? Quelles en sont les conséquences ? Les termes employés, leur formation, leur déploiement ou non en catégories, leurs évolutions au fil du temps seront étudiés. L’analyse du discours en tant que support ou instrument d’usages et de pratiques — qu’il s’agira de mettre en lumière — sera, en particulier, d’un riche intérêt. L’objectif recherché est donc celui d’une approche large de la sémantique policière au prisme du fait colonial.

– Ces axes sont à considérer dans une chronologie large et sans restriction de l’histoire de la surveillance et de l’histoire des populations colonisées en métropole.

 

[1] « (Dé)construire les “archives coloniales” : enjeux, pratiques et débats contemporains » (Compte rendu disponible sur groc.hypotheses.org)
[2] Singaravelou Pierre, « Situations coloniales et formations impériales : approches historiographiques », in Singaravelou Pierre (dir.), Les empires coloniaux. XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2013, p. 9-35.
[3] Balandier Georges, « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, 1951, p. 44-79.
[4] Boittin Jennifer, Colonial Metropolis: the Urban Grounds of Anti-Imperialism and Feminism in Interwar Paris, Lindon & London, University of Nebraska Press, 2010, 320 p. ; Goebel Michael, Paris, capitale du tiers monde. Comment est née la révolution anticoloniale (1919-1939), Paris, La Découverte, 2017, 447 p.
[5] Berlière Jean-Marc, Denys Catherine, Kalifa Dominique, Milliot Vincent (dir.), Métiers de Police. Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, 560 p. ; Milliot Vincent, Blanchard Emmanuel, Denis Vincent, Houte Arnaud, Histoire des polices en France, des guerres de religion à nos jours, Paris, Belin, à paraitre.
[6] Thomas Martin, Violence and Colonial Order. Police, Workers and Protest in the European Colonial Empires, 1918-1940, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 540 p. ; Bat Jean-Pierre, Courtin Nicolas (dir.), Maintenir l’ordre colonial. Afrique et Madagascar, XIXe-XXe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, 205 p.
[7] Rosenberg Clifford, Policing Paris: the Origins of Modern Immigreation Control Between the Wars, Ithaca, Cornell University Press, 2006, 241 p. ; Blanchard Emmanuel, La police parisienne et les Algériens, 1944-1962, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011, 448 p.
[8] Peabody Sue et Boulle Pierre, Les Droits des Noirs en France au temps de l’esclavage, Paris, L’Harmattan, 2014, 291 p.
[9] Ducoulombier Romain, « La surveillance politique : comment lire les archives de police sur le Parti communiste français ? », ANR PAPRIK@2F, 16 octobre 2014 [en ligne] ; Chevalier Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Plon, 1958, 562 p. ; Lagorgette Dominique, « La violence des femmes saisie par les mots », in Cardi Coline et Pruvost Geneviève (dir.), Penser la violence des femmes, Paris, La découverte, 2017, p. 472-487 ; Bessone Magali et Sabbagh Daniel « Introduction. Les discriminations raciales : un objet philosophique », in Bessone Magali et Sabbagh Daniel (dir.), Race, racisme, discriminations. Anthologie de textes fondamentaux, Paris, Hermann Éditeurs, 2015, p. 5-44 ; Stoler Ann Laura, Along the Archival Grain. Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton & Oxford, Princeton University Press 2009, 314 p.

 

PARTICIPATION À LA JOURNÉE D’ÉTUDES

Format

En organisant ce premier « chantier d’archives, archives en chantier » en collaboration avec les Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et son département de la Justice et de l’Intérieur, nous souhaitons proposer aux participant-e-s une journée ouverte et au format souple, remettant le travail d’archives au cœur d’une réflexion collective entre archivistes, historien-ne-s et toute personne intéressée par ces questions, à des fins scientifiques, mais aussi méthodologiques, pédagogiques et civiques.

Le format des communications, pensé selon ces objectifs, se veut expérimental par rapport aux habitudes académiques. Les intervenant-e-s sont ainsi invité-e-s à sélectionner un document d’archive conservé aux Archives nationales et à en proposer une étude. À partir du document et des axes de réflexions indiqués ci-dessus, des champs variés pourront être investis : format, producteurs, histoire, contenus, implications, circulation, mise en perspective, etc. Les communications poseront des jalons de compréhension et de réflexion durant 15 minutes, dans le but d’un large échange avec le public. Celui-ci aura eu, au préalable, la possibilité de se familiariser avec le document étudié pour pouvoir enrichir et discuter les pistes suggérées par les intervenant-e-s.

Pour participer

Cette journée d’études est organisée aux Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) le 28 mai 2020. Elle est ouverte à toutes et tous, sur inscription. Les propositions de communication doivent être transmises au GROC au plus tard le 15 mars.

2020 à l’adresse journeegrocan2020@gmail.com.

Les propositions de communication se composeront :

– d’un titre (provisoire)
– d’une présentation du document envisagé à l’étude
– d’un résumé de la communication d’environ 2500 signes

Elles devront être accompagnées d’une courte biographie.

Pour assister à la journée, il est d’ores et déjà possible de s’inscrire par courriel à journeegrocan2020@gmail.com

 

Qui sommes-nous ?

Le Groupe de recherche sur les ordres coloniaux a été créé en septembre 2017 par des jeunes chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales travaillant sur les colonisations et les empires, notamment sous l’angle politique et social. Toutes et tous sont animé-e-s d’une même envie de partager leurs recherches en cours, leurs expériences de terrain, d’échanger et de coopérer, en transcendant les appartenances académiques et scientifiques. Le groupe rassemble actuellement 73 inscrit-e-s. Des rencontres mensuelles regroupent entre 5 et 20 personnes. En parallèle, le GROC organise des événements ponctuels plus larges et anime un carnet Hypothèses (http://groc.hypotheses.org) ainsi qu’un fil Twitter (@groc_n_roll)

 

TÉLÉCHARGER

L’appel à communications au format pdf

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