Gouverner par les marchés

Direction du numéro
Matthieu Ansaloni
Pascale Trompette
Pierre-Paul Zalio
Revue française de sociologie
N° 58-3 – juillet-septembre 2017
Presses de Sciences Po
ISBN : 9782724635171
ISSN : 0035-2969
La conception d’un marché de détail de l’énergie étudiée par Rasmus Ploug Jenleet Trine Pallesen éclaire les propriétés d’un « marché synthétique » conçu par des ingénieurs pour optimiser la consommation d’électricité décarbonée. On y découvre l’intensité des rationalisations techniques destinées à enrôler les arbitrages du consommateur. Retraçant l’histoire de la fixation des prix des médicaments par l’État en France, Étienne Nouguez et Cyril Benoît défendent une thèse sur l’articulation entre gouvernement des valeurs, orienté par des principes de justice sociale, et gouvernement des conduites, fondé sur des considérations de justesse marchande. Soutenue par des bailleurs publics et privés, l’Alliance pour le vaccin est promue comme une solution de marché à même de faciliter la vaccination de masse dans les pays pauvres. Daniel Neyland, Véra Ehrenstein et Sveta Milyaeva montrent qu’une « métrologie ordinaire » définit le marché et construit une sensibilité à certaines populations au détriment d’autres. Développer l’attractivité marchande de quartiers de centre-ville conduit une mairie à spéculer sur le marché foncier en espérant favoriser des commerces nobles au détriment d’autres. Anaïs Daniau dépeint les ressorts d’une instrumentation des dynamiques marchandes dans l’action publique locale et questionne les résistances qu’elle peut soulever. Pour Sophie Dubuisson-Quellier, la politique publique d’affichage environnemental met au jour l’un des ressorts de l’intervention de l’État fondé sur la capture des intérêts privés. Cette stratégie subtile de cadrage des démarches environnementales privées trouve ensuite des effets de leviers au sein des dynamiques de concurrence. La gouvernance des standards volontaires de l’agriculture biologique est portée par l’industrie privée de la certification, dont la concurrence s’intensifie avec la globalisation du marché. La thèse d’Eve Fouilleux et Allison Loconto est celle d’un découplage croissant entre le projet politique d’une société écologique et le chaos bureaucratique et marchand des marchés imbriqués de l’agriculture biologique.