IDHES

Les nouveaux développements de la propriété intellectuelle

DATE

Mardi 17 mai 2022, 9 h – 17 h 30

LIEU

ENS Paris-Saclay
Amphithéâtre Gilbert Simondon
4 avenue des sciences
91 190 Gif-sur-Yvette

Comment venir ?

Visioconférence

Le lien vous sera transmis après votre inscription auprès de Gladys Germé : gladys.germe@ens-paris-saclay.fr

ORGANISATION

Christian Bessy | ENS Paris-Saclay, IDHE.S
Armelle Mazé | AgroParistech, Université de Paris-Saclay
Financé par la MSH Paris-Saclay

PRÉSENTATION

La crise sanitaire que nous avons traversée a aiguisé la polémique autour des brevets sur les vaccins qui risquent de contrarier un accès équitable, même si la coopération technologique en urgence entre une multitude d’acteurs hétérogènes soulève d’autres problèmes. Une des questions posée est celle de la régulation de ces coopérations technologiques par une plus grande intervention de l’État ou d’ONG visant à contrebalancer les insuffisances des pratiques d’autorégulation des grandes entreprises pharmaceutiques (Cassier, 2020). Une même interrogation porte sur les GAFA dans l’économie numérique posant le problème de l’appropriabilité des données (Ricap & Lundvall, 2020) ou encore les grandes entreprises semencières pour le système agricole avec la question de l’échange des semences (Girard et Noiville, 2020). Mais d’autres enjeux de propriété intellectuelle se jouent à des échelles plus « locales », y compris dans les nouvelles formes d’organisation du travail créatif, que cela soit dans le cinéma de la nouvelle vague, dans les années 1950, les terroirs de produits traditionnels ou les hackerspaces d’aujourd’hui.

Ce workshop interdisciplinaire a pour objectif de présenter de nouveaux développements concernant le rôle, et les usages du droit de la propriété intellectuelle en lien avec les processus créatifs et de coopération technologique. Il s’agit aussi d’en analyser les conséquences à différentes échelles (micro, méso, macro) en matière d’innovation et d’inégalités, y compris de enjeux de répartition des fruits de la créativité des salariés au sein des entreprises ou encore des petits travailleurs indépendants. Pour cela différents types de propriété intellectuelle vont être examinées : brevet et secret, marques et indications géographiques, droit d’auteur, afin de présenter différentes figures propriétaires et d’analyser les tensions entre propriétés collective et individuelle. Un autre objectif de ce workshop interdisciplinaire est de contribuer à la structuration au sein de l’UPSa d’un groupe de chercheurs en sciences sociales intéressés par ces questions et de construire collectivement un programme de recherche, incluant le recueil de données empiriques.

Au niveau macro structurel, on peut se poser la question de l’émergence d’un capitalisme monopoliste intellectuel basé sur les DPI mais aussi toute une série de dispositifs permettant aux grandes entreprises de capter les connaissances et les savoir-faire des plus petites entités innovantes et des organisations publiques de recherche.

PROGRAMME

9 h Accueil des participants

9 h 15 Introduction
Pascal Corbel | Université de Paris-Saclay

9 h 30 – 12 h 30 Session : De nouvelles sources d’accumulation du capital

Présidence : Liliana Mitkova | Université d’Évry

Cecilia Rikap | City, University of London
Big tech : prédation des connaissances et concentration des actifs incorporels

Dans cette présentation, je soutiens que les entreprises mondiales les plus puissantes du XXIe siècle fondent leur accumulation du capital sur les rentes intellectuelles et la prédation. Les géants du numérique américains et chinois fondent leur pouvoir sur une concentration permanente d’actifs immatériels reposant à la fois sur les droits de propriété intellectuelle et le secret. Ils ont même monopolisé la source de connaissance la plus brute : les données. Ces puissants monopoles intellectuels planifient des morceaux du capitalisme, y compris la recherche et le développement externalisés. Leur pouvoir va au-delà du pouvoir du marché de fixer les prix – car il inclut la planification des processus de production ainsi que des sphères scientifiques et technologiques – et au-delà des frontières nationales. Les grosses entreprises du numérique organisent des systèmes d’innovation corporatives qui sont des systèmes organisés et contrôlés par un monopole intellectuel et qui comprennent une multitude d’organisations subordonnées participant à des réseaux de production et d’innovation. Les universités et les organismes de recherche publics participent à ces systèmes ainsi que les développeurs du logiciel libre. Par conséquent, comme je le montrerai dans cette présentation, les géants du numérique restreignent l’accès à une partie de ce qui était autrefois un savoir public ou commun en le monétisant pour  leur bénéfice (et celui de leurs actionnaires) et au détriment du bien-être social.

10 h 45 Pause Café

11 h – 12 h 15 Christian Bessy | IDHES ENS Paris-Saclay
L’échec d’un pur marché des brevets

Au tournant des années 2010, le bien-fondé de la construction d’un pur marché de brevets (distinct d’un marché des technologies brevetées), afin en particulier de financer l’innovation dans les start-ups (Guellec et al., 2010), n’a pas vraiment suscité de controverses dans le monde académique des économistes. Certains ont néanmoins dénoncé la logique financière animant l’activité de nouveaux intermédiaires de la PI (Coriat et Orsi, 2005 ; Lemley, 2007). D’autres économistes ont fait part de leur scepticisme quant aux possibilités de développement d’un tel marché (Lallement, 2010). Dix ans après ce type de débat, les marchés purs de brevets sont toujours dans un état embryonnaire et peu transparents, les transactions de grès à grès étant dominantes ; si bien qu’on peut parler d’un certain échec de la  finance moderne.  Dans cette contribution, nous revenons sur ce mouvement de naturalisation de la valeur des DPI et de son échec relatif.   La thèse que nous défendons est que ce processus de naturalisation est largement la résultante des actions conjuguées des « entrepreneurs » du marché des brevets, en premier lieu des nouveaux intermédiaires des DPI s’appuyant principalement sur leur ressource juridique, à l’instar des patent trolls.

12 h 30 – 14 h Déjeuner

14 h – 16 h 15 Session : Production collective, propriété et commun

Présidence : Marie Cornu | ISP ENS Paris-Saclay

Armelle Mazé | AgroParistech, Université de Paris-Saclay
Les indications géographiques à l’épreuve du commun. Les apports de l’économie politique d’Elinor Ostrom

Dans cette communication, nous proposons de reconceptualiser,  à  partir  du  cadre  d’analyse  développé  par Hess et Ostrom (2003, 2007) sur les « communs de connaissance », les régimes juridiques spécifiques servant de support à la protection des Indications Géographiques (IG) au niveau européen et international. Les noms géographiques sont habituellement considérés comme faisant partie du  domaine public, mais depuis la  fin  du  XIXe siècle, la  forte notoriété  de certains produits, comme les vins de Champagne ou de Bordeaux, a conduit à l’élaboration de  règles  spécifiques sur  l’usage et la protection de ces  noms  géographiques au titre de la propriété intellectuelle. Les débats et  controverses qui ont accompagné leur extension au niveau international montre que cette  extension est souvent liée au souci de prévenir une appropriation privée de ces noms géographiques à forte  notoriété ou dimension patrimoniale, sous la forme du dépôt de marques privées. À partir d’une version révisée et étendue de la classification d’Ostrom, nous mettons en évidence la nature des arbitrages et des compromis associés au choix du cadre juridique, ainsi que la manière dont ces IG  peuvent être considérés comme des « communs de connaissances », c’est-à-dire l’ensemble des « ressources  collectives épistémiques et les écosystèmes qui sont créés et partagés par un groupe de personnes et sujets à des dilemmes sociaux ».

Jérôme Pacouret | Institut MIAI, Pacte et CESSP
Nouvelles Vagues et “mort de l’auteur” : propriété des films, travail cinématographique et relations entre les champs de 1957 à 1968

À la faveur de leur « Politique des auteurs » et de leur consécration comme réalisateurs, les cinéastes de la Nouvelle Vague se voient régulièrement attribuer la paternité du statut d’auteur de cinéma. Or c’est plutôt par leurs dénonciations de la notion d’auteur et de la propriété des films qu’une fraction d’entre eux s’est distinguée des critiques et réalisateurs de leurs générations et des décennies précédentes. Pour comprendre comment Godard, mais aussi Rivette, Cassavetes, Mekas et Warhol renoncèrent au statut d’auteur autour de 1968, cette communication examine les relations entre l’auctorialité, le droit de propriété littéraire et artistique et la division du travail cinématographique. Elle montre que l’attribution des films à des auteurs, tout comme la critique de cette convention au nom de la propriété collective, sont les produits et les vecteurs de coopération et de concurrence entre les auteurs de plusieurs disciplines. La « fonction auteur » et le « collectif » sont ainsi analysés en tant que médiations entre plusieurs champs culturels et entre ces derniers et le champ politique. Ce travail invite à réexaminer la « mort de l’auteur » et les mobilisations d’artistes en 1968 au prisme de circulations transnationales et de relations entre les champs.

16 h 15 Pause café

16 h 30 – 17 h 30 Conclusions et ouverture
Stéphanie Lacour | ISP ENS Paris-Saclay

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