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Sabine Effosse, invitée de l’émission Entendez-vous l’éco ?, France Culture, 12 déc. 2022

Sabine Effosse, professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris Nanterre et chercheuse à l’IDHES, était l’invitée de l’émission Entendez-vous l’éco ? du 12 décembre 2022.

Écoutez l’émission

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/carte-bancaire-l-argent-n-a-pas-de-matiere-5251276

Informations détaillées

Épisode 1 : Carte bancaire : l’argent n’a pas de matière
Série : L’éco et les choses (3 épisodes)

Émission : Entendez-vous l’éco ?
Production : Tiphaine de Rocquigny

Date : 12 décembre 2022
Durée : 58 minutes

Intervenantes :

  • Jeanne Lazarus Sociologue, chercheuse au CNRS, directrice du département de sociologie à Sciences Po Paris
  • Sabine Effosse historienne, Professeur à l’université Paris Nanterre et chercheuse au laboratoire IDHES-CNRS

Présentation

Comment la carte bleue s’est-elle imposée comme le moyen de paiement privilégié des ménages et le service phare proposé par les banques ?

Développée dans les années 1950 par les Américains, la carte bancaire est arrivée en Europe à la fin des années 1960 et la carte bleue française a vu le jour en 1967. Ce petit objet s’est ensuite imposé progressivement chez les ménages du fait de deux facteurs principaux : la révolution technologique de la carte à puce et la bancarisation progressive des ménages. A partir des années 1970 en effet, les salaires sont désormais versés mensuellement et la majorité des Français sont obligés d’ouvrir un compte en banque. Entre alors en scène la dématérialisation de l’argent : la carte sert tout d’abord à aller retirer de l’argent au guichet puis devient progressivement un moyen de paiement, relié au compte en banque.

La Carte bleue, la révolution de l’argent invisible

Le lancement de la Carte Bleue compte parmi les plus grandes innovations du secteur bancaire au cours des dernières décennies. Créée en 1967, la carte a connu bien des difficultés avant de s’imposer en France, Sabine Effosse précise “les Américains sont les inventeurs de la carte de crédit, tout d’abord à travers des formules pour régler le restaurant, avec la fameuse carte Diners Club, qui apparaît au début des années 1950, ensuite l’American Express. Cette carte fait irruption en Europe, principalement en Suède au début des années 1960, puis en France à partir de 1967. La carte de crédit qui sert à régler soit des restaurants ou des voyages convient tout à fait aux businessmen américains, les Américains sont prompts à utiliser plusieurs cartes de crédit ; leur porte-monnaie devient un véritable multicartes dès les années 70“. Jeanne Lazarus complète “on peut dire que la carte bancaire est une invention américaine mais les Français ont développé leur propre système de cartes, qui est d’abord, à la différence des cartes américaines, une carte de paiement, dans les usages que l’on en fait en France. Grâce au savoir-faire des ingénieurs français dans les banques qui ont très tôt informatisé les systèmes et qui se sont groupés pour faire un système entre les banques. Visa ou Mastercard sont des sociétés qui sont séparées des banques, même si au départ Visa est liée à la Bank of America, mais ensuite en France, ce sont vraiment les banques qui se sont associées. Au début il y avait plusieurs cartes, il y a eu jusqu’à trois types de carte en circulation, puis au début des années 80, les banques se sont associées pour n’avoir plus qu’une seule carte, qui est devenue la Carte bleue. Et ensuite ce système de carte à puce, inventé en France, a fini par se répandre partout”.

La Carte Bleue, un ami qui vous veut du mal ?

Etant donné que la carte bleue n’est pas un produit bancaire gratuit, il existe une disparité d’accès à la carte bancaire selon les catégories socioprofessionnelles, Jeanne Lazarus explique “à partir des années 80/90 le marketing bancaire cherche à rentabiliser chaque tranche de clientèle. On ne va pas proposer les mêmes services selon les quartiers dans lesquels on se trouve, et selon le type de client. Et pour rentabiliser les clients les moins riches, la solution c’est à la fois de leur faire payer la carte bancaire assez cher, la carte bancaire en France est plus chère que dans la plupart des autres pays comparables, et l’autre spécificité, c’est que les frais pour incident de paiement sont très élevés, en particulier pour les clients en difficulté, qui n’ont pas de patrimoine à faire valoir. C’est donc par les frais qu’on leur impute que l’on réussit à être rentable“. Sabine Effosse complète “il y a une segmentation très importante de la clientèle, et on ne va pas avoir le même type de carte bancaire en fonction de son revenu mensuel. C’est-à-dire que les ménages les moins aisés vont avoir la carte bancaire qui n’offre que très peu de services, alors que pour les ménages les plus aisés, on va leur proposer la Premium voire la carte très haut de gamme qui va ajouter des services comme la possibilité de réserver des hôtels, de bénéficier d’excursions de tourisme très valorisées etc. Cette segmentation est donc liée au coût de la carte que l’on facture au client et aux services proposés par les banques. Par ailleurs, l’Etat promeut l’utilisation de la carte bancaire, notamment avec la Stratégie nationale des moyens de paiement élaborée dès 2015 qui vise à favoriser la modernisation des moyens de paiement. La carte bleue étant un des instruments privilégiés puisque l’objectif majeur est de faire disparaître le chèque”.

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