IDHES

Appel à communications : La recherche sous contraintes

Étude critique multidisciplinaire des contraintes institutionnelles et scientifiques de la recherche salariée en sciences humaines et sociales

Journée(s) de clôture du cycle de séminaires « La recherche sous contraintes » organisés à l’université Paris Nanterre et en ligne entre septembre 2019 et juin 2021.

CALENDRIER

Avant le 12 novembre 2021 : réponses à l’appel à communication – prolongation de l’appel jusqu’au 26 novembre
15 décembre 2021 : réponses aux propositions
9-10 mars 2022 : journée d’étude

La publication de certaines communications de la journée sera envisagée sous divers formats.

LIEU

Université Paris Nanterre
200 avenue de la République
92000 Nanterre
Comment venir ?

et en visioconférence

ORGANISATION

IDHE.S (Université Paris Nanterre)
Centre Maurice Halbwachs (EHESS/ENS)
Centre Georg Simmel (EHESS)

Co-organisateur⸱trices

Erwin Flaureau, EHESS, CMH, erwin.flaureau@ehess.fr
Florence Ihaddadene, CURAPP-ESS, Université de Picardie Jules Verne, florence.ihaddadene@u-picardie.fr
Lucas Joubert, EHESS, Centre Georg Simmel, Université Paris Nanterre, IDHE.S, lucas.joubert@ehess.fr
Louise Lacoste, Université Paris Nanterre, IDHE.S, lacoste.louise@gmail.com
Florine Truphemus, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IRJS – Sherbrooke (CA), G-PRD – florine.truphemus@gmail.com

PRÉSENTATION

Dans la poursuite des réflexions engagées lors du séminaire 2019-2021 intitulé « La recherche  sous  contraintes », nous proposons, à travers cette journée d’étude, d’ouvrir un espace de discussion autour de deux dimensions spécifiques de la situation de travail des chercheur·ses en thèse CIFRE1 ou sous une autre forme de recherche contrainte ou salariée : celle de la subordination et celle de l’apprentissage de la recherche.

Les séances de ce séminaire2 visaient, dans la lignée d’une série de travaux sur la recherche salariée, à interroger les conditions dans lesquelles sont produites les recherches scientifiques lorsque les doctorant·es dépendent économiquement de l’organisme financeur, mais également d’un « cadre de  subordination  juridique » (Perrin-Joly, 2010) associé au contrat de travail salarié3. La ou le doctorant·e, pris·e entre deux univers, doit répondre aux problématiques d’une double affiliation : le salariat et le monde académique. Régulièrement, les attentes de l’organisation et celle de l’institution universitaire peuvent s’opposer, ou se dérouler dans des temporalités contradictoires, qui mènent à partager « son temps de manière plus ou moins équilibrée entre recherche et tâches opérationnelles » (Morillon, 2008). Autrement dit, « au temps long de la recherche consacré à la réflexion distanciée s’oppose la rapidité d’analyse tournée vers l’action immédiate en entreprise » (Hellec, 2014). Face à ces nombreux défis, le rôle de la sphère académique se trouve plus rarement interrogé. Son influence a pourtant un impact majeur sur la production du savoir scientifique, d’ailleurs reconnue comme l’« un des facteurs de réussite de la recherche en entreprise » (Perrin-Joly, 2010).

Dans la continuité de ce séminaire, nous souhaitons poursuivre notre réflexion en identifiant et en interrogeant les façons dont la recherche salariée, dans le cadre d’une thèse en sciences humaines et sociales, forme voire

« transforme » (Darmon, 2006) les doctorant·es. À la différence des recherches commanditées au cours desquelles des chercheur·ses confirmé·es sont amené·es à se positionner par rapport à des financeurs, la thèse en salariat a ceci de spécifique qu’elle survient lors de l’apprentissage du métier de la recherche (Laurens et Neyrat, 2010). Ainsi, la socialisation à cette recherche doctorale salariée n’est pas seulement régulée par l’institution académique, mais aussi par un tiers : l’organisation employeuse. Dès lors, elle implique d’objectiver

les processus de formation, les intérêts institutionnels, explicites et implicites, mis en place par les différents agents que rencontre l’apprenti·e chercheur ou chercheuse au cours de son contrat et les effets qu’ils ont sur elle. En d’autres termes : quels types de chercheurs et chercheuses sont produits dans cette configuration de subordination ? Afin de répondre à cette question, et de dégager les enjeux théoriques posés par l’évolution globale des formes de financement et de contractualisation de la recherche publique dans les sciences humaines et sociales, nous souhaitons organiser les présentations selon trois axes :

1. Un apprentissage de la recherche sous contrainte : subordination et production des chercheurs et chercheuses par l’organisation.

Dans ce premier axe, nous invitons les doctorant·es qui sont ou ont été en contrat de droit privé à engager une réflexivité sur les conditions sociales de leur propre apprentissage de la recherche en situation salariale. On pourra pour cela s’appuyer sur la description et l’analyse des attentes de l’entreprise envers le travail du ou de  la doctorant·e : quelles sont les tâches, les « missions » ou encore les « projets », parfois éloignés du sujet de recherche, qui sont alloués aux doctorant·es par les membres de l’institution qui les emploient ? Quelles formes de socialisation spécifiques à la recherche contrainte sont produites dans ces situations de travail ? Qui sont les agents qui apprennent aux chercheur·euses débutant·es à faire de la recherche pour l’entreprise ? En quoi la définition du poste et les interactions avec les « collègues » influencent-elles la conception de ce qu’est un·e chercheur·se ? L’expérience de la recherche contrainte favorise-t-elle un rapport distancié ou engagé à l’institution universitaire ou au terrain ? Génère-t-elle une (dé)politisation des chercheur·es ? Ainsi, via l’instauration d’un cadre d’échanges et de discussions bienveillantes, il s’agit de nous donner collectivement les moyens d’objectiver, et non de nier, ce que l’apprentissage de la recherche en situation salariale transforme dans la conception de la recherche et de soi en tant que chercheuse et chercheur.

2. Un apprentissage par la recherche sous contrainte : insubordination et production des chercheurs et chercheuses contraire à l’organisation

Dans ce second axe, il s’agira de poursuivre l’analyse des transformations qui s’opèrent chez les apprenti·es chercheur·ses en situation salariale, mais à partir des résistances que ces dernièr·es mobilisent face à ce cadre contraignant. Si la thèse constitue une socialisation à la recherche, il reste que les étudiant·es ont intégré au cours de leurs années universitaires précédentes des normes et valeurs scientifiques. Malgré le temps passé en entreprise, cette socialisation se poursuit lors du doctorat via le fait d’assister aux séminaires de recherches et aux réunions de laboratoire, et de rencontrer la directrice de thèse. Ces socialisations scientifiques, parfois doublées de socialisations militantes, peuvent entrer en conflit avec celles engagées au sein de l’organisation et participent dès lors à la formation des chercheur·ses. Ainsi, il ne s’agira pas seulement de soulever les manières dont les apprenti·es chercheur·ses apprennent à « tenir le cap le cap épistémologique » (Foli et Dulaurans, 2013) mais aussi de saisir en quoi l’expérience de l’insubordination à l’organisation peut marquer durablement la chercheuse dans sa conception de son métier. Quelles sont les tâches qui suscitent une opposition ? Quelles sont les tactiques (De Certeau, 1990) que les étudiant·es apprennent pour maintenir une distance vis-à-vis des attentes des collègues et des supérieur·es hiérarchiques ? Comment les organisations sont-elles transformées par la présence au long cours d’un.e chercheur.se ? En d’autres termes : quels types de chercheuses sont produits dans les situations d’insubordination à l’organisation ?

3. Les CIFRE, image des transformations de la recherche publique

Depuis une quarantaine d’années, les transformations de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche conduisent à une augmentation du nombre d’études financées par des organismes, publics ou privés, extérieurs à l’université. C’est particulièrement le cas des recherches doctorales. Le nombre de recherches financées en CIFRE ne fait que croître (moins de 800 en 2001, à 1377 en 2016, soit 10% des doctorant·e·s bénéficiant d’un financement), notamment en sciences humaines (27% des CIFRE pour un mode de financement destiné au départ à la recherche « industrielle »). Que signifient ces évolutions des modes de financement ? Comment s’articulent les évolutions récentes de l’ESR, le développement du financement sur projets, et la montée en

puissance des contrats CIFRE ? Quel impact du régime des contrats de droit privé en CIFRE, par rapport aux contrats doctoraux ? Dans quelles mesures le contrat de travail de droit privé met-il en scène des situations de subordination ou d’insubordination ? Quels sont les effets de la subordination sur la production de savoirs et sur le choix des terrains ? Quelles formes d’implication le ou la chercheur·se peut-il/elle trouver dans sa présence sur le terrain ? Sous quelles conditions est-il possible de « résister à la commande » (Guillaume et Pochic, 2011) ? La CIFRE peut-elle conduire à de nouvelles alliances au service de la recherche publique ou, au contraire, mène-t-elle à des limitations du champ de la recherche ? Quel impact le type d’organisation employeuse a-t-il sur les conditions de production et le contenu de la recherche ? Toute autre piste tendant à évoquer les évolutions du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche pour montrer comment le développement des CIFRE en sciences humaines et sociales illustre des transformations profondes du champ sera bienvenue ici.

1 Le programme de co-financement public-privé par le biais des conventions CIFRE est brièvement présenté sur le site internet du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche : Les CIFRE. Pour une présentation détaillée, voir le site internet de l’Association Nationale pour la Recherche et la Technologie (ANRT) à laquelle est déléguée la gestion des conventions CIFRE : Le dispositif CIFRE

2 Le programme du séminaire est disponible sur le site internet de l’IDHES-Nanterre à l’adresse suivante : Séminaires La recherche sous contraintes 2020-2021. Consulté le 19 juillet 2021.

3 La majorité des contrats de travail mis en place dans le cadre d’une convention CIFRE sont des contrats à durée déterminée (CDD) de 3 ans (exception au droit commun du Code du travail, confère article D-1242-3 & 6 du Code du travail), plus rarement des contrats à durée indéterminée (CDI).

PROPOSITIONS DE COMMUNICATIONS

Les propositions de communication peuvent être formulé·es à la fois par des doctorant·es et jeunes docteur·es en sciences humaines et sociales (sociologie, sciences politiques, droit, mais pas que…) réalisant ou ayant réalisé leur doctorat dans le cadre d’une forme de subordination avec le terrain d’étude (doctorant·es CIFRE, salarié·es d’une organisation bénéficiant d’un co-financement régional ou départemental, salarié·es d’une collectivité  publique…)  et par des chercheur⸱es (titulaires et non titulaires) en sciences humaines et sociales dont les travaux portent sur les différentes formes de contraintes inhérentes à la subordination à son terrain de recherche. Une attention spécifique sera portée aux variations induites par les différents types de structures employeuses (entreprises publiques et privées, collectivités, associations, groupements internationaux etc.) sur la pratique et la production de la recherche doctorale. Nous souhaitons en effet articuler une partie des échanges autour de ce point. À titre d’exemple, pour discuter des conditions particulières d’exercice de la thèse en CIFRE dans les associations, nous nous associerons au RT 35 de l’AFS, “sociologie des mondes associatifs”.

Chaque proposition de communication doit contenir un titre, l’axe dans laquelle elle s’inscrit (voir le texte de présentation ci-dessus) et une présentation du sujet de la communication en une page maximum, et une courte biographie de l’auteur·trice en quelques lignes (université(s), école(s) doctorale(s), laboratoire(s) et titre de thèse pour les doctorant·e·s et jeunes docteurs ; institution(s) de rattachement et principaux domaines de recherche pour les titulaires).

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 12 novembre 2021 à l’adresse suivante : recherchesouscontraintes@gmail.com pour un retour du comité d’organisation le 15 décembre 2021

Bibliographie

Darmon M. La socialisation, Armand Collin, coll. “128”, Paris, 2006.

De Certeau M., L’ invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.

Guillaume, C. & Pochic, S. « Peut-on enquêter sur l’égalité professionnelle sans intervenir ? Retour sur une recherche en entreprise ». In : Delphine Naudier et Maud Simonet (dir.), Des sociologues sans qualités : Pratiques de recherche et engagements (pp. 117-133), Paris, La Découverte, 2011.

Foli O. et Dulaurans, M. « Tenir le cap épistémologique en thèse Cifre. Ajustements nécessaires et connaissances produites en contexte », Études de communication. Langages, information, médiations, 40, 2013, pp. 59-76.

Hellec F., « Le rapport au terrain dans une thèse CIFRE », Sociologies pratiques, 28, 2014, pp. 101-109.

Laurens S. et Neyrat F., (dir.), Enquêter, de quel droit ? Menaces sur l’enquête  en sciences sociales, Bellecombe en Bauges, Le Croquant, 2010, pp. 9-36.

Morillon L., De l’idylle au détournement, quels apports des CIFRE en Sciences de l’Information et de la Communication ? Compiègne, Seizième congrès SFSIC « Les sciences de l’information et de la communication : affirmation et pluralité », 11 juin 2008, p. 10, en ligne : Congrès SFSIC Compiègne 2008 – Les sciences de l’information et communication, émancipation et pluralité.

Perrin-Joly C., « De la recherche salariée en France : lien de subordination et liberté de la recherche », SociologieS 2010, en ligne : De la recherche salariée en France : lien de subordination et liberté de la recherche.

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