IDHES

Écrire le travail

Dossier coordonné par :
Marc Loriol

Les mondes du travail
ISSN : 1778-0306
n° 22
janvier 2019

 

SOMMAIRE

Dossier : « Écrire le travail » (sous la direction de Marc Loriol)

Grand Entretien : « Pour un écrivain, écrire sur le monde du travail, c’est se mettre directement dans un ghetto… » Entretien avec Gérard Mordillat réalisé par Marc Loriol

Introduction : Le réel à l’épreuve de l’écriture, par Marc Loriol

La double expérience du travail et de l’écriture. Journaux d’ouvriers et d’ouvrières depuis les années 1950, par Eliane Le Port

À partir d’une douzaine de journaux d’ouvriers et d’ouvrières publiés depuis le début des années 1950 et des entretiens réalisés auprès d’auteurs, cet article s’intéresse aux motivations et aux modalités de la pratique diariste des travailleurs, et tente de saisir ce que l’écriture quotidienne ou régulière apporte à l’écriture du travail. Quand les auteurs écrivent dans le temps des expériences professionnelles, un lien étroit est établi entre la réalité vécue et sa recomposition immédiate par l’écrit dans d’autres espaces que ceux du travail. Les multiples dimensions de l’activité professionnelle et des acteurs déclinées dans les ouvrages atténuent les discours sur la contrainte et la monotonie que l’on trouve fréquemment dans les textes ouvriers. Si la restitution du quotidien professionnel constitue la motivation première dans le fait que des ouvriers et des ouvrières tiennent un journal, les évocations du travail s’articulent à des considérations qui font entrer la singularité des témoins dans les textes, et agissent en retour sur les perceptions livrées sur le travail.

D’un Quai à l’autre. Deux manières de montrer la décence ordinaire, par Stephen Bouquin

Que penser du Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, dix ans après sa publication ? Cette enquête sur la précarité, auprès des « gens de peu » nous livre des enseignements sur la dureté de la vie quotidienne, l’importance des liens de solidarité, la présence mémorielle des luttes sociales et la sourde volonté de continuer à exister, par-delà les difficultés à renouer avec la dignité. À l’inverse de George Orwell dans le Quai de Wigan, Florence Aubenas décrit les situations avec précision et sensibilité, se refuse de fournir des éléments d’explication et d’appeler à indignation. Si l’écriture et la narration se distinguent, l’un comme l’autre mettent en évidence la décence ordinaire des personnes appartenant aux classes populaires.

La représentation du travail dans le champ littéraire et critique contemporain, par Corinne Grenouillet

Depuis les années 1990 et surtout au tournant du XXIe siècle, le thème du travail a émergé, à la fois dans les romans publiés à chaque rentrée littéraire, et en tant qu’objet d’études académique chez les chercheurs en littérature. C’est cette double émergence qui est interrogée. Cette contribution insiste sur ce qui caractérise l’approche littéraire du travail (soit la priorité accordée à une recherche et une mise en évidence de la valeur littéraire) et met l’accent sur deux aspects : si écrire sur le travail/étudier la littérature du travail peut signifier la quête d’une place dans le champ littéraire, elle exprime aussi une attente politique ou l’espoir d’une repolitisation de la littérature, dont la réception de l’œuvre de François Bon (Daweoo) est révélatrice.

Gérer collectivement la honte sociale. Quand des romanciers évoquent le travail dans les abattoirs, par Marc Loriol

Le travail en abattoir fait aujourd’hui partie des activités professionnelles les plus dévalorisées et stigmatisées. En plus de conditions de travail particulièrement pénibles et dégradantes (qui en fait potentiellement un sale boulot), les campagnes de dénonciations des conditions de mise à mort des animaux, avec la diffusion de vidéos, ajoute une condamnation morale. Comment est vécue, et éventuellement gérée, la honte associée à un travail si décrié ? La littérature, par sa force d’évocation des processus psychologiques et sociaux à l’œuvre, apporte un éclairage original et suggestif. Deux romans récents notamment illustrent les apports possibles d’un regard littéraire sur les ouvriers et ouvrières des abattoirs. Dans Jusqu’à la bête, Timothée Demeillers (2017) replace l’histoire de son personnage dans les relations sociales complexes et parfois tendues avec ses collègues et sa hiérarchie pour mieux expliquer son geste de révolte. Arno Bertina avec Des châteaux qui brûlent (2017) éclaire une autre dimension des processus identitaires : celle de l’action collective et des ambivalences des politiques de la gauche sociale-démocrate face aux travailleurs des abattoirs en particulier et au monde ouvrier en général.

Trois textes de Didier Daeninckx sur le monde du travail (présentation par Roland Pfefferkorn)

Bataille duraille (prologue) / Jeunesse, banlieue de la vie / Le forcené du boulot

D’ici & d’ailleurs : Sortir du dolorisme. Le monde des fileuses de soie japonaises de l’entre-deux-guerres, par Sandra Schaal

Les travailleuses migrantes quittaient leur village pour l’usine où elles étaient logées. Elles y travaillaient souvent durant une durée déterminée avant leur mariage pour apporter à leurs parents un revenu complémentaire. Mais le travail et la vie au sein des filatures finissaient par avoir raison de leur santé, au point que leur histoire est restée tristement célèbre sous l’appellation d’« histoire tragique des ouvrières ». Cependant, cette vision de l’histoire de ces ouvrières est incomplète. Si les conditions de travail et de vie dans ces filatures nous paraissent aujourd’hui à juste titre mauvaises, on peut se demander ce qu’en pensaient les principales intéressées. Quel regard portaient-elles sur leur travail et leur expérience à l’usine ? Cet article fait appel aux chansons de fileuses et à des récits de vie d’anciennes fileuses, pour étudier étudié la manière dont elles y décrivent leur vie à l’usine.

 

Direction du dossier

Marc Loriol est directeur de recherche en sociologie à l’IDHES-ISST, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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