IDHES

Genre et monde carcéral

Séminaire
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Dates

Vendredi 9 février 2024, 9 h 30 à 17 h
Jeudi 25 avril 2024, de 10 h à 13 h et de 14 h à 17 h 45

Lieu

Vendredi 9 février 2024 :

Université Paris Cité
Bât. Halles aux farines, salle 580F
10 rue Françoise Dolto
75013 Paris
Comment venir ?

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Jeudi 25 avril 2024 :

Université Paris Cité
Bât. Olympes de Gouges, salle 569
8 place Paul Ricœur
75013 Paris
Comment venir ?

Pour celles et ceux qui souhaitent suivre la séance en distanciel l’inscription préalable auprès de Barbara Osorovitz : barbara.osorovitz@u-paris.fr est nécessaire afin de préparer au mieux la séance. Nous vous enverrons ensuite le lien pour assister au séminaire à distance. Vous pouvez vous inscrire jusqu’au mercredi 24 avril 2024.

Organisation

Natacha Chetcuti-Osorovitz. Maître de conférences en sociologie, HDR, Centrale Supélec, ENS Paris-Saclay, IDHES
natacha.chetcuti-osorovitz@centralesupelec.fr

Amélie Bescont. Docteure en sciences politiques, ATER Université de Tours, chercheure associée au CEVIPOF

Valérie Icard. Docteure en science politique, ingénieure de recherche, CESDIP/CNRS/Université Paris Saclay (séance du 9 février 2024)
valerie.icard@cesdip.fr

Programme

Vendredi 9 février 2024

Matin 9 h 30 – 13 h 15. Pratiques professionnelles et régulation en mixité

9 h 30. Nathan Rivet Doctorant, CSO (Sciences Po/CNRS) et Natacha Chetcuti-Osorovitz MCF-HDR (CentraleSupelec et IDHES ENS Paris-Saclay)
L’ordre genré carcéral face aux partenariats privés-publics : négociations et conflits dans un marché captif

Résumé : La place prise par le genre en prison a fait l’objet de plusieurs recherches en France. Structurant certaines facettes du fonctionnement carcéral, les relations sociales de genre sont également la cible de dispositifs produits par l’administration afin de le façonner et d’en contrôler certaines dimensions. Loin de transformer l’ordre genré carcéral existant dans les prisons françaises, les évolutions contemporaines comme l’externalisation à des acteurs privés de certaines missions vient plutôt formaliser l’incarcération différenciée des prisonniers et prisonnières. L’inclusion d’acteurs privés vient complexifier les injonctions auxquelles font face les personnes détenues. Ces changements ouvrent, au sein des oppositions entre secteurs public et privé, de nouvelles marges de revendications voire de résistances pour les personnes détenues. À partir de deux enquêtes ethnographiques, menées entre 2017 et 2019, dans des prisons partiellement déléguées au secteur privé et mixtes, cette présentation aura pour objectif de montrer comment la délégation vient créer de nouveaux espaces de négociation et de revendication pour les personnes détenues, sans toutefois transformer les inégalités de genre structurant l’univers carcéral.

10 h 45. Olivia Nederlandt, Professeure de droit pénal à l’Université Saint-Louis & Aurore Vanliefde, Doctorante en criminologie à la KU Leuven
Le travail et les activités en mixité dans les prisons belges : entre maintien de l’ordre et protection des femmes en détention

Résumé : Malgré le principe de séparation des hommes et des femmes régissant l’organisation des établissements pénitentiaires, une recherche empirique menée au sein de plusieurs prisons belges a permis de mettre en lumière des pratiques de mixité entre personnes détenues. Les auteures ont étudié les discours en faveur ou défaveur de cette mixité, en se penchant plus particulièrement sur le travail et les activités. La mixité est redoutée à deux égards. Premièrement, elle crée un problème de gestion des conflits et jalousies découlant de l’existence de couples hétérosexuels. Deuxièmement, elle représente un risque, en l’espèce le risque que soient commises des violences de genre à l’égard de femmes. Cependant, les acteurs rencontrés se sont montrés plutôt favorables à la mixité qui permettrait de favoriser la normalisation de la vie en prison et la réinsertion.

12 h. Anaïs Henneguelle, MCF en économie à l’Université Rennes 2, LiRIS – Université Paris-Cité, Ladyss & Anne Jennequin, MCF en droit public à l’Université d’Artois
Mixité des personnels et division genrée du travail : la difficile acceptation des femmes dans la ‘maison des hommes

Résumé : Cette intervention s’appuie sur les résultats d’une recherche co-portée par Coline Cardi, Anaïs Henneguelle, Anne Jennequin et Corinne Rostaing, menée entre 2020 et 2023 et intitulée “La mixité genrée à l’épreuve de la prison. Recherche interdisciplinaire sur les interactions, espaces et temps mixtes en détention” (financée par le GIP Droit & Justice, la DAP et la DPJJ). À partir des outils du droit et de la sociologie, elle vise à comprendre la situation actuelle de relative mixité des personnels et de division sexuée du travail. Trente ans après leur arrivée, quelle place les femmes surveillantes occupent-elles en détentions hommes ? Cette place est-elle désormais assurée et totalement normalisée ? Comment se passent les interactions mixtes entre personnels pénitentiaires ? À quelles épreuves, voire à quelles violences, les femmes surveillantes doivent-elles faire face ? Y a-t-il des tâches spécifiquement affectées aux hommes et aux femmes surveillant·es, et pourquoi ? Cette division genrée du travail est-elle susceptible de remettre en cause le principe de mixité au travail ? Qu’en est-il enfin des interactions, du point de vue des personnels, entre personnels masculins et femmes détenues et entre surveillantes et détenus ?

13 h 15 – 14 h 30 Pause déjeuner

Après-midi 14 h 30 – 17 h. Éthiques et pratiques professionnelles

14 h 30. Louise Cadorel, Doctorante en Science Politique à l’Université Sorbonne-Nouvelle Paris 3 (CREDA)
Une appropriation différenciée de la réforme de la justice des mineurs à Rio de Janeiro, entre ethos du care et ethos viriliste

Résumé : Au Brésil, la privation de liberté des mineurs condamnés par la justice est encadrée par des normes de droit international, qui visent à mettre en œuvre des politiques respectueuses des droits humains et des pratiques éducatives. Dans ce cadre, les « petits fonctionnaires » de la justice des mineurs en milieu fermé, les travailleuses sociales et les surveillants, responsables du volet éducatif de la sanction, sont les principaux responsables de la mise en œuvre de ces principes. Une enquête de terrain, menée dans deux établissements de privation de liberté de Rio de Janeiro, au plus près des pratiques de ces deux groupes professionnels, montre l’écart entre les référentiels éducatifs inscrits dans le droit et les référentiels pratiques mobilisés par les acteurs du terrain. Ils sont pris dans un système d’opposition lié à des ethos professionnels divergents, qui va orienter l’ancrage tantôt sécuritaire, tantôt bureaucratique de leurs pratiques.

15 h 45. Natacha Borgeaud-Garciandía, Chercheuse à IICSAL, FLACSO-CONICET
Entre care et contrôle, les ambiguïtés du travail en nurseries pénitentiaires (France – Argentine) 

Résumé : L’intervention abordera le travail déployé au sein de nurseries pénitentiaires qui accueillent des détenues enceintes et mères accompagnées de leurs enfants, en France et en Argentine. Ces structures sont, dans l’un et l’autre de ces pays, très hétérogènes et l’accueil inégal. Partant de recherches de type ethnographique menées dans deux nurseries dotées d’une crèche et de services spécifiques destinés à la population hébergée, l’analyse cherchera à mettre en lumière les particularités du travail déployé par des professionnelles « du care » (secteurs éducatif et social) ainsi que les difficultés qui affectent leurs interventions, prises dans des logiques complexes et souvent contradictoires au sein de ces espaces contraints.

17 h. Fin de la journée

Jeudi 25 avril 2024

10 h – 13 h. Continuum carcéral et modalités des peines

10 h. Élodie Hervier, Doctorante en arts du spectacle à l’Université Lyon 2 – Laboratoire Passages XX-XXI
Sortir de prison : produire son récit en espace d’hébergement. Méthodes de l’enquête et co-créations de documentaires sonores 

Résumé : L’un des enjeux esthétiques de la recherche création serait de faire correspondre les formes des créations aux sujets de savoirs. Lors de la co-écriture du documentaire Sortir de Prison, Natacha Chetcuti-Osorovitz et moi-même avons adapté les processus d’écriture de podcast et documentaire sonore à l’enquête de terrain dans l’espace d’hébergement de la ferme Emmaüs Baudonne. Cette contribution reviendra sur les ateliers de rencontres et d’enquête qui ont permis la co-réalisation de ce documentaire. Ce sont aussi ces ateliers qui ont rendu possible le partage des étapes de création avec les travailleuses de la ferme et les étudiants de l’École Normale Supérieur Paris-Saclay.

10 h 45. Écoute et discussion de l’épisode 1 « Le continuum carcéral » du podcast « Sortir de prison » écrit et réalisé par Natacha Chetcuti Osorovitz et Elodie Hervier dans le cadre d’une recherche-création – Scène de recherche ENS Paris-Saclay, réalisée à la ferme Emmaüs Beaudonne en 2023

11 h 45. Sophie Clair-Caliot – Doctorante en géographie, Université Lumière Lyon 2 (EVS) & Juliette Stella, doctorant-e en littératures comparées, Université Paris-Est Créteil (LIS)
Espoirs, craintes et obstacles à la sortie de prison. Une approche géo-littéraire des ruptures et continuités carcérales

Résumé : Nous proposons une analyse interdisciplinaire de la question de la sortie de prison, en articulant sciences sociales et littératures comparées. A partir d’un corpus littéraire de femmes incarcérées (Goliarda Sapienza, Albertine Sarrazin, Assata Shakur) et d’une étude de terrain à la ferme Emmaüs Baudonne (lieu de placement extérieur pour femmes), nous posons la question de la sortie de prison sous différents angles. Comment est-elle envisagée entre espoirs et craintes dans les textes de prisonnières, et comment le décalage avec la réalité est-il mis en récit ? Comment le carcéral se diffuse-t-il en dehors de ses murs pour se perpétuer dans de « nouveaux territoires de la peine » (Allaria, 2012) ? Dans quelle mesure ces « nouveaux territoires » sont-ils observables à la fois dans les dispositifs de placement extérieur, mais aussi dans les récits intimes qui sont faits de l’injonction paradoxale à se « réinsérer » en dépit des traces indélébiles laissées par l’incarcération ? Comment est abordée, dans les récits et les pratiques quotidiennes des prisonnier-es, cette transition du dedans vers le dehors ?

13 h – 14 h. Pause déjeuner

14 h – 17 h 45. Santé mentale, genre et prise en charge carcérale

14 h. Yana Zdravkova, Ingénieure de recherche Plateforme de recherche sur la santé mentale et le handicap psychique, chercheuse associée au LISE (Cnam-CNRS) et GRHAPES (Paris Lumières) Handicap psychique et normes de masculinité en détention

Résumé : Que se passe-t-il lorsque nous nous retrouvons dans une prison pour hommes et demandons aux détenus de nous parler de vulnérabilité ? A partir d’une recherche sur le handicap en prison, je propose de me pencher sur le parcours des hommes détenus qui ont vécu des prises en charge en psychiatrie. Je propose de faire un premier aperçu des travaux sur les masculinités carcérales en montrant que, dans la littérature, celles-ci sont souvent opposées aux vulnérabilités (maladies, troubles, etc.). Dans mon exposé, je souhaite discuter cette thèse en montrant quelques parcours d’hommes détenus. Je voudrais montrer comment s’articulent vulnérabilités sociales et biologiques, comportements d’opposition aux institutions et tentatives de rejouer des positions dominantes. Je proposerai de montrer les liens entre position subalterne (pauvreté, post-colonialité) et la codification de certains comportements en troubles et la mise en place de conduites à risque pour échapper à la disqualification.

15 h 15. Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche Inserm (CEMS)
Impact de la criminalisation des drogues sur les parcours de vie de femmes. Une approche narcoféministe 

Résumé : L’usage de drogues est une pratique illégale prohibée par la loi du 31 décembre 1970. La littérature disponible montre que les femmes qui consomment des drogues subissent moins souvent que les hommes une expérience carcérale. Toutefois, elles sont amenées à être exposées à différentes formes de discriminations et de contrôles en lien avec leurs pratiques d’usage de drogues. Pour faire face à ces épreuves, des femmes ont fondé des collectifs formels et informels au sein desquels elles transforment leurs récits individuels marqués par la vulnérabilité et la souffrance en des récits collectifs de résistance et d’émancipation, dans un mouvement social qualifié de narco-féminisme. Dans cette présentation, nous ferons le récit de différents terrains ethnographiques et d’analyses que nous avons menés auprès de et avec des femmes consommatrices de drogues avec lesquelles nous avons mis en place une démarche narco-féministe.

16 h 30. Anais Ogrizek, Médecin pédopsychiatre au Centre hospitalier Maurice Despinoy, Martinique ; Chercheuse associée CESP – UVSQ, Inserm
Questionnement identitaire chez les mères incarcérées en nurseries carcérales ou cellules mères enfants en France 

Résumé : Les femmes incarcérées enceintes ou auprès de leurs bébés de moins de 18 mois (âge maximum autorisé par la loi française) vivent un questionnement identitaire majeur face à des identités de détenue, de mère et de femme qui se confrontent plutôt que de s’associer. Cette confrontation semble en lien avec les injonctions normatives d’un monde carcéral rigide et peu enclin à une certaine adaptabilité que l’intégration psychique d’une nouvelle identité de mère requière inévitablement. A travers le discours de 25 mères et 5 femmes enceintes de différents établissement carcéraux, nous avons pu mettre en évidence les tensions psychiques et sociales induites chez ces femmes autour de ces questionnements.

17 h 45. Fin de la séance.

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